SIKASSO À LA BIENNALE 2003 (PIÈCE DE THÉÂTRE)
LA PRESSE N'EST NI ROUGE NI NOIRE

10 mai 2021 - 06:07

SIKASSO À LA BIENNALE 2003 (PIÈCE DE THÉÂTRE)

SCENE 1

(La scène s’ouvre sur Djiguiya, en train de balayer. Puis surgit un homme poursuivi par trois autres. Djiguiya recule et observe la scène.)

1er BOURREAU : Sale journaliste !

LE JOURNALISTE : Woyi ! Qu’est-ce que j’ai fait ? Qui êtes-vous ?

2cmc BOURREAU : Tais-toi ! Espèce d’espion. Où sont les photos ?

LE JOURNALISTE : Je n’en sais rien !

3cme BOURREAU : Remet-nous cet appareil.

LE JOURNALISTE : Non ! Jamais ! Aie ! Aie ! Mon appareil ! Remettez-moi mon appareil !

DJIGUIYA : (Au-dessus de l’homme). Qu’avez-vous bien pu commettre pour qu’on vous tabasse aussi violemment ?

LE JOURNALISTE : (Tente de se lever mais retombe.). Aidez moi s'il vous plaît !

DJIGUIYA : Que leur avez-vous fait ?

LE JOURNALISTE : Non, monsieur, il vaut mieux que vous ne sachiez pas. Aidez-moi plutôt à me relever pour quitter ces lieux. (Djiguiya aide l’homme à se relever. Celui-ci sort péniblement.)

DJIGUIYA : Encore, un jour qui commence. C’est ici qu’on appelle BÈFÔ- PALACE. Mais les tenants des lieux ont raté l’événement du jour, eux qui passent leur temps à épiloguer sur les faits les plus insignifiants. Ils ne doivent plus tarder à venir. (Entre SANS-FEU.)

SANS-FEU : Il n’y a personne ici ? (Il sort).

DJIGUIYA : Un gardien n’est vraiment pas une personne. Ce clown s’appelle SANS-FEU, drôle de nom ! Il est journaliste de formation. Mais il paraît qu’il a juré de ne prendre la plume ou le micro que lorsqu’il aura sa propre Maison de Presse, pour travailler strictement selon la déontologie de la profession, dit-il. En attendant, il court après les femmes..., Pardon... après une femme. (Entre Kotigui.)

KOTIGUI : Bonjour Djiguiya. Tu parlais tout seul ! Tiens les clés et nettoie l’intérieur du kiosque et de la cabine. (Djiguiya prend les clés et s’exécute. Kotigui poursuit.) Je me gêne d’employer ce jeune homme comme simple gardien, vraiment ; un diplômé de l’Ecole des Hautes Etudes Pratiques de Paris ! Non ! Mais...Que faire ?
(Entrent les unes après les autres Ténin, Waraba et sa bonne, puis Mada.)

WARABA : Mada, peux-tu me tresser celle-là, en attendant l’arrivée de tes clientes ?

TENIN : (A Kotigui). De grâce Kotigui, dis à Waraba de ne pas embêter Mada. (Puis à Waraba) Laisse celle-là en paix.

WARABA : Moi je n’aime pas ça hein. Toi tu es gérante, tu cherches de l’argent ; moi je me débrouille pour vendre de la viande. Alors laisse-moi tranquille. 

(Entre un client.)

LE CLIENT : Bonjour ! je voudrais un exemplaire du Journal SOUBAABERE

KOTIGUI : Patientez, la livraison ne va pas tarder. Ah ! Tiens, Diablo est déjà arrivé.

TENIN : Enfin tu es là, Diablo. Il ne nous restait plus qu’à passer un communiqué à Radio Funufunu. Tu as accusé un retard diabolique.

DIABLO : Le diabolique, c’était plutôt à l’imprimerie, « Kalam ». On aura tout vu dans ce pays. Après le temps des grandes censures, c’est aujourd’hui celui des rachats de journaux !

TENIN : Quoi ? Des rats et des chats à l’imprimerie ?

DIABLO : Non, Tenin ! Il ne s’agit ni de rat ni de Chat, mais de Rachat. 
Re – a – che - ter les journaux. ... Tu sembles pourtant trouvé juste. Dans notre démocratie, les chats pourraient être ces gros bonnets qui tentent d’avaler les parutions qui les présentent toujours tels qu’ils sont...

DJIGUIYA : Ils ont battu les journalistes ; ils intimident la presse pour la réduire au silence...

TENIN : Tout ça, c’est nouveau pour moi.

LE CLIENT : Quel est ce journal dont on voulait nous priver aujourd'hui ?

DIABLO : SOUBAABERE ! Il s’agit de SOUBAABERE. La direction de ce journal était en discussion avec un grand homme politique qui cherchait à empêcher la publication d’un article. (Puis s’adressant à Kotigui) Ah ! patron, il serait dangereux de vendre le journal SOUBAABERE aujourd’hui.

LE CLIENT : Puis-je en avoir un exemplaire ?

KOTIGUI: Diablo, Pourquoi penses-tu qu’il est dangereux de vendre ce journal aujourd’hui ?

DIABLO : J’ai peur de me faire tabasser par des loubards. Tu te rappelles, l’histoire de ce photographe du Journal LE TRANCHANT qui a été enlevé, puis battu à sang ?...

KOTIGUI : Diablo, toi aussi ! Tu es revendeur, pas journaliste.

DIABLO : Ah ! Patron, on ne sait jamais. Les loubards ne font pas de différence entre un revendeur et un journaliste.

(Entre Aldjiouma précipitamment.)

ALDJIOUMA : Bonjour Kotigui ! SOUBAABERE est-il là ? En avez-vous vendu ?

KOTIGUI : Qu’est-ce qui ne va pas ? Es-tu poursuivi ou poursuis-tu quelque chose ?

DIABLO: (S’approchant d’Aldjiouma). Je sais que ton patron a chaud aujourd’hui. Mais, au lieu de perdre ton temps ici, tu ferais mieux de foncer à Radio Funufunu, avant qu’elle ne diffuse ce que tu sais et ce dont tu as peur : Tout le monde ne lit pas, mais tout le monde écoute. Si jamais on diffusait cette nouvelle à la radio...
(Aldjiouma sort en courant.)

TENIN (S’étonnant) : Diablosky ! Au fait, qu’est-ce qu’il y a dans ce journal ? (Rire de Diablo).

WARABA : Pourquoi cet homme est-il tant troublé ? (Diablo rit de plus belle.) Mais parle Diablo.

DIABLO : Contente-toi de vendre ta viande ; ceci est trop gros pour toi.

TENIN : Tu joues à l’important, oui ! (En se levant pour chercher le journal chez le patron). Patron, puis-je lire un exemplaire de SOUBAABERE ?

KOTIGUI : Il faut que tu l’achètes !

TENIN: D’accord. D'accord. je vois :  « DECOUVERTE MACABRE » (Elle lit à haute voix.) : « Les agents du Commissaire Banga ont découvert hier matin de très bonne heure, non loin du Pont de la démocratie, le corps d’un jeune adolescent dont les parties génitales ont été coupées. Sur les lieux du crime, on a découvert une carte d’identité qui appartiendrait au Secrétaire Général d’un parti de la place. Affaire à Suivre. »

WARABA : Ça c’est grave ! Cette histoire d’élection ! Que Dieu nous préserve ! Mais, pourquoi Aldjiouma s’affole-t-il pour cela ?

TENIN : Tu as vraiment raison, Waraba. Moi non plus, je ne comprends pas du tout l’affolement d’Aldjiouma.

DIABLO : Attention !... Son patron est Secrétaire Général d’un parti. Sait- on jamais ? De toutes les façons, c'est écrit, on a dit « affaire à suivre ». Voilà pourquoi Aldjiouma suit l’affaire. (Rire général, sortie de Diablo qui croise Diati entrant et ajoute.) Ah ! Voilà, mon type arrive ; il va tout vous expliquer. C’est l’Animateur N° l de la ville.

DIATI : Diaaati ! Je suis à vous.

KOTIGUI : Pardon Diati, tu arrives à point nommé. C’est toi que j’attendais pour me mêler au débat. Puisque tu es la personne la mieux indiquée, dis-moi ce que tu sais sur ce nouveau crime.

DIATI : Diaaati ! Tu sais, c’est là le rôle de la presse : exposer les faits dans leur réalité criarde, informer et éclairer l’opinion, aider à démasquer les fautifs et les criminels et servir ainsi la Démocratie...

TENIN : Ah ! Professeur ! Mais avant de commencer le cours, réponds d’abord à la question du patron.

DIATI : Diaaati ! J’allais oublier. Je viens juste de me séparer d’Aldjiouma à la Radio. Ce que lui et son patron me proposent est une insulte pour la presse. Et ça, je ne peux l’accepter ; c’est un affront à ma loyauté.

TENIN :  Dis plutôt qu’ils ne t’ont pas filé quelques billets de banque. On vous connaît assez maintenant, vous les animateurs.

DIATI : Heureusement que je suis galant ; je n’agresse jamais les femmes. Autrement...

WARABA: Informe-moi que je m’en aille, est-il vrai qu’il y a eu mort d’homme ?

DIATI : C’est vrai, il y a eu crime.

WARABA : On raconte qu’il y avait une carte d’identité sur les lieux...

DIATI : Diaaati ! Diaaati ! II y avait bien une carte d’identité sur les lieux.

WARABA : Dis-moi, ce sont donc les Aldjiouma qui ont arraché les parties génitales du petit (Rire général puis Waraba sort avec ses affaires).

TENIN : (A Waraba). Ne va pas raconter partout que Aldjouma a tué quelqu'un hein !

DIATI : Tenin, il est possible que Waraba aille déformer ce qu’elle vient d’entendre. Mais, admets qu’elle vaut mieux que ceux qui n’ont pas été informés du tout. Sans la presse, ce crime resterait inconnu du grand public.

TENIN : Mais... Le public est toujours informé ! Que fais-tu des rumeurs, des radios-trottoirs et des grins ?

DIATI : Justement, ce ne sont là que des informations approximatives. La presse représentant le quatrième pouvoir, son rôle n’a rien à envier à celui de la police, dans un régime démocratique qui se respecte.

KOTIGUI : ça devient intéressant. On t’attend pour nous développer tout ça.

DIATI : Diaaati ! Avec plaisir... Tu sais, pour consolider la Démocratie, il faut rompre avec le silence : révéler les faits pour sortir de l’obscurité, enseigner les vertus du dialogue politique, interpeller et instaurer le débat.

TENIN : Ah ! tout ça... ce ne sont que  des mots ! Or, on ne se nourrit pas de mots.

KOTIGUI : Mais... sans ces mots, on pourrait mourir.

DIATI : Diaaati ! Diaaati ! Ce sont ces mots qui évoquent le présent, qui façonnent ton présent, (Indexant Tenin.), mon présent pour construire notre avenir.

TENIN : Et moi qui pensais que les journalistes ne faisaient que parler...

DIATI : Oui ! Oui ! Mais parler, écrire, pour interpeller et pour rétablir la vérité. C’est ça la preuve de notre liberté, de celle de la presse qui édifie sur les problèmes nationaux et internationaux. C’est ainsi que la presse devient une tribune ou s’expriment toutes les sensibilités pour façonner le monde.

TENIN : Tu oublies, Diaati, que la vérité des uns n’est pas forcément celle des autres. Sinon, comment expliquer qu’il y ait des journaux de droite et des journaux de gauche ? Dis-moi, comment expliques-tu que la même personnalité soit à la fois dénigrée par certains journalistes et louée par d’autres ? Pourquoi certains journaux apaisent l’opinion pendant que d’autres jettent l’huile sur le feu ? A mon avis, mon cher la presse ne doit être ni noire, ni rouge.

KOTIGUI : Ah ! Tenin, avec de telles questions, tu pourrais faire carrière en journalisme.

DIATI : Journaux de droite, journaux de gauche.... Toute presse est alignée. Dans la pluralité des publications, il appartient au lecteur de faire preuve d’esprit d’analyse et de synthèse, c’est - à - dire, distinguer le vrai du faux

KOTIGUI : C’est ce que vous appelez avoir du jugement ?

DIATI : Parfaitement ! Mais ce jugement personnel ne suffit pas. Il faut le confronter à celui des autres. Chaque jugement devient ainsi une pierre de l’édifice démocratique basé sur la liberté, la tolérance.

TENIN : Tu dis des choses intéressantes. Si seulement vous pouviez vous passer de l’argent qui compromet et qui enlève toute crédibilité à la Presse.... Vous seriez exemplaires

DIATI : Mais nous sommes exemplaires et nous méritons bien ce qualificatif, car c’est tous les jours que nous consentons des sacrifices, c’est tous les jours que nous courons des risques.

TENIN : Pour toi aussi, la mission des journalistes est un sacerdoce (Rire.)

DIATI : Non toi aussi ! Sacerdoce est un mot « passe-partout ». Mais ça, c’est d’ailleurs un autre débat. Ça suffit.  « INFOS 7 », c’est aujourd’hui. Je m’en vais à la Radio, sélectionner les articles à présenter. (Puis se tournant vers Kotigui.) Kotigui, soyez tous à l’écoute ce soir. (Il sort et croise Sans-Feu qui entre.)

SANS-FEU : Alors, très, très grand animateur ! Ma Douce est-elle là-bas ?

DIATI : Elle est là-bas.

SANS-FEU: (Retenant Diati) Mon type, comment tu trouves mon look ?

DIATI : Tu es... très élégant ! Mais tu serais encore plus élégant si tu acceptais de venir travailler avec nous à la Radio. Tu sais, on a fort besoin d’un journaliste de formation pour présenter le journal.

SANS-FEU : Ah ! Ah ! Tu ne trouves pas que je travaille ici déjà……..et sans rémunération ?

KOTIGUI : (Voyant Sans-Feu٠) Ah ! Enfin, voici SANS-FEU.

SANS-FEU : Moi-même en chaîne et en or. Comment ça va ? (Puis s’adressant à Tenin.) Alors, alors ma Douce !... Ma Douce, il faut vraiment que tu quittes cet endroit. Tu sais, je vais bientôt créer ma propre Maison de Presse. Je t’embaucherai comme secrétaire particulière. Je te le jure. (Tenin s’arrache et s’éloigne de lui.) Non ! Les femmes ! Bon, c’est sans feu quoi ؛ (Il sort. Puis entre Pétou.)

PETOU : Bonjour ! Honorables marchands de mensonges !

TENIN : Comment ça va, distingué détracteur des hommes de presse !
 
PETOU :
Non, ce n’est pas exact. Plutôt pourfendeur de la presse corrompue ; de la presse au service des riches et des grands.

TENIN : Quelle différence ?...

PETOU : Tu sais je ne peux pas détester les hommes de presse, puisque j’en suis un. C’est plutôt leurs pratiques que je n’aime pas. Les pratiques qui jurent avec la déontologie de notre métier.

KOTIGUI : Mais, Pétou, tu es certain que ce que font les juges, ce que font les médecins, les enseignants, les vétérinaires, les douaniers et tout le reste, es-tu certain, dis-je, que tout ce que font ces gens-là est normal ?

PETOU : Non. Presque tous agissent souvent, contrairement à ce que disent les règles de leur profession. Mais, ne perdons pas de vue qu’aujourd’hui, tout ce qui se dit, tout ce qui se fait, et même tout ce qu’on projette, c’est par rapport au contexte démocratique.

KOTIGUI : Est-ce qu’on doit comprendre que la presse est plus importante que les autres... ?

PETOU : Non, pas qu’elle soit plus importante. Mais tu conviendras avec moi que les inconvénients d’une fausse information peuvent être dramatiques pour l’équilibre d’une démocratie. Combien d’événements sanglants voit-on à travers le monde parce qu’un journal a balancé un mensonge ?

TENIN : Mensonge ? Tu veux faire allusion à cet article de SOUBAABERE ?
Je t’apprends, ce grand homme politique est presque aux aveux, car il avait tenté de racheter toute la parution d’aujourd’hui.

PETOU : Peut-être que tu as raison. Mais, c’est tous les jours qu’un journal s’acharne contre un individu. Et c’est le plus souvent des « affaires à suivre » qui n’ont jamais de suite. Et pendant ce temps, les auteurs sont sciemment épargnés, après qu’ils aient corrompu tel journaliste véreux qui ne songe qu’à sa poche.

TENIN : Il faut bien vivre de son métier.

PETOU : J’avoue que la misère peut pousser le journaliste à la faute. Mais, il ne faut pas que le mensonge tue systématiquement la vraie information. Aujourd’hui, on traite les informations suivant la tête du Client. Et selon que vous êtes riche ou pauvre, célèbre ou anonyme, les propos de la presse vous rendent blanc ou noir. Voilà ce que je déplore.
Ce qui est encore plus grave c’est que chaque journal a un parrain, de qui il ne dit jamais du mal. J’ai de tout temps refusé ce parrainage malsain et me voilà au chômage.

KOTIGUI : Mais mon ami, toute chose a un propriétaire ! Ne suis-je pas moi-même le parrain de mon kiosque et de ma cabine téléphonique ?

PETOU : Ne confond pas la chèvre et les choux. Quand je parle de parrain, je parle d’un homme influent ou d’un parti politique qui dicte ses volontés à son journal qui les publie.

TENIN : Et où est le mal ?

PETOU : Le mal, c’est que si on veut vous calomnier, on vous propose souvent de renoncer à tel poste ou à telle candidature pour qu’on vous laisse tranquille. Trouvez-vous ça normal ? Ces parrains, tels ceux de la Mafia se battent entre eux par journaux interposés. Et généralement, celui qui a le plus espionné son adversaire, jusque dans son intimité l’emporte ; les exemples ne manquent pas, vous le savez bien... Et Ténin le sait plus que toi Kotigui.

TENIN : Qu’est-ce que tu veux insinuer ?

PETOU : Vous appartenez au même monde : Télévision, Radio, Journal, Cabine Téléphonique... c’est à qui mieux mieux...

TENIN : Patron, Pétou me taxe d’espionne. (Se tournent vers Petou), le vrai espion, c’est toi. Tu n’aimes pas les animateurs parce qu'ils ne sont pas qualifiés pour « TA PROFESSION ».
Tu détestes les autres journalistes parce qu’ils sont corrompus, dis-tu...

PETOU : Et j’ai les preuves... !

TENIN : Journaliste modèle ! Qu’as-tu apporté au Quotidien National quand tu y travaillais ! ? Dis-le-moi. Tu es égoïste, c’est tout.

PETOU : Moi égoïste ? Cette insulte ne m’étonne pas. Je suis gênant, j’en sais trop. (A Kotigui.) Kotigui, sais-tu que c’est ici que se trament toutes les combines, que se fixent les rendez-vous galants ? Combien de faits divers racontés par SOUBAABERE sont-ils partis de là ? Tu peux me le dire Ténin ?

TENIN : Payi-payi ! C’est ça qui explique ton aigreur. Mais tu ne me verras jamais repousser un client ici.

MADA : (Restée silencieuse, jusqu’à ici, se lève) : La presse, ah la presse ! On en a marre. La presse par-ci, la presse par-là. Et c’est tous les jours comme ça ici à Bèfô-Palace.

TENIN : Eh !!! Mada tu me surprends.

MADA : Et pourquoi ?

TENIN : Ah ا J’ai l’impression que tu t’apprêtes à faire un discours. Or, je pensais que tu ne connaissais que les cheveux, la tresse.

MADA : Ne te fie pas aux apparences. En vérité, j’ai été obligée de mettre fin à mes études au lycée.

KOTIGUI : Ah bon ! Oui ! Qui l’aurait cru ?

MADA : C’est parce que je l’ai voulu ainsi. Mais, aujourd’hui j’ai décidé de rompre le silence.

TENIN : Et pourquoi ?

MADA : Depuis que je me suis installée ici, à Bèfo-Palace, je n’entends parler que de la presse, toujours de la presse.

KOTIGUI : Mais c’est tout à fait normal, Mada. C’est l’environnement qui l’exige, non !

MADA : Oui peut-être. Un kiosque à journaux, une cabine téléphonique, une radio libre tout juste derrière, c’est vraiment le monde de la communication. En plus, avec des experts en bavardage, comme Diati et Pétou, on est bien servi.

PETOU : Ah ! là, je ne te permets surtout pas de me mettre dans le même sac que Diati ; lui qui joue au griot pour la presse. Or, moi je fais des critiques constructives. Je suis un professionnel

MADA : Un professionnel sans profession oui. De toutes les façons, vous êtes les mêmes. Votre presse, de quoi parle-t-elle ? De gros bonnets, de grosses affaires politiques, économiques et financières.

PETOU : Oui, oui, toi et moi, on pense la même chose.

MADA : Non ! Non et non. Votre presse, quelle qu’elle soit, ne parle jamais des petites gens, jamais de la misère silencieuse qui tue tous les jours les gens simples : les pauvres. Et pourtant, tu ne l’as jamais critiquée pour ça. Eh bien, votre presse ne s’intéresse jamais à une cause par compassion, mais bien par cupidité.

PETOU : Je ne savais pas que  tu avais  un si haut niveau de culture.

KOTIGUI : Moi non plus

TENIN : il n’est vraiment pas facile de connaître une personne

MADA : C’est parce que vous ne connaissez pas mon histoire.

PETOU : On devrait... ?

MADA : Je pense oui. Car en son temps, mon cas méritait de défrayer la chronique. Mais aucune presse n’en a parlé. Motus ! et bouche cousue.
(Vives réactions d’étonnement des autres.)

PETOU : Mais, Mada, il s’agit de quoi au juste ? Raconte, raconte-nous. On est tout oreille.

MADA : Voilà, j’ai été primée ici meilleure élève, parce qu’ayant obtenu la plus forte moyenne quand je passais mon Diplôme d’Etudes Fondamentales... Mais voilà qu’une année après, mes parents me trouvèrent un mari.

TENIN : On peut aujourd’hui se marier et étudier non ?

MADA : Je n’avais que 15 ans, et mon mari ne voulait rien entendre.

TENIN : Il fallait aller voir une Association qui défend les femmes.

MADA : Et pourquoi faut-il que ce soit toujours des Associations de femmes qui défendent les femmes ? (Se tournant vers Pétou). Dis-moi, Pétou, où était passée la presse ? Où était notre Télévision nationale qui, tous les ans, couvre les cérémonies de remise de prix aux meilleures élèves ? Cette Télévision qui m’a montrée au monde entier, il y a quelques années, était curieusement absente au moment où j’avais le plus besoin d’elle, pour montrer ma détresse. ... C’est pour ça que je lui en veux.
Les caméras ne voulaient plus me montrer, j’étais déjà mère de jumelles, soutien de famille, déchet scolaire. En somme, la presse m’a ignorée, parce que j’étais à la fois femme et pauvre. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter le sort qui est le mien aujourd’hui ? (Elle pleure, les autres la consolent et l’entraînent.).

KOTIGUI : L’atmosphère s’est alourdie. Bon, il est bientôt midi, et on est au vendredi. Tenin, on ferme. (Il ferme et sort. Tenin ferme aussi, mais avant de sortir elle confie à Djiguiya)

TENIN : Djiguiya, le patron tient à ce que je ferme aussi, par respect pour le Saint Vendredi. Moi, je ne vais pas à la mosquée et je perds des clients.

DJIGUIYA : A bientôt, Tenin. Moi aussi, je vais manger à la cantine tout juste derrière. (Il sort après Ténin.)

                    
SCÈNE 2

(Après la sortie de Tenin, puis de Djiguiya, entre Sans-Feu. Puis Petou.)
 
SANS-FEU :
Eh ! Ma Douce n’est pas là ? Qu’est-ce qu’une fille a à voir avec la prière du vendredi ? ... Bon, c’est sans feu quoi ! (Entre Pétou)

PETOU : Eh ! Collègue, tu n’aurais pas vu mon sac par hasard ? Ah ! Tiens-le voilà. (Il va le prendre.) Ah ! Collègue et ton projet de création d’une Maison de Presse ?

SANS-FEU : Il n’est pas sûr que j’y parvienne. Cela demande beaucoup plus d’argent que je ne l’avais pensé. Mais par contre... .Il se pourrait qu’on soit mieux que ça.

PETOU : Qui, on ?

SANS-FEU : Toi et moi ! C’est sérieux ce que je te dis. Monsieur Thierno Thiam, tu le connais non ?

PETOU : Ah oui, l’opérateur économique...

SANS-FEU : Exactement, il a construit un Centre Moderne de Communication. C’est l’étage, juste en face du ministère de la culture. Il m’a approché pour diriger l’entreprise.

PETOU : Je n’en crois pas à mes oreilles !

SANS-FEU : J’ai été surpris moi-même, surtout quand il m’a dit de chercher des gens en qui j’ai confiance.

PETOU : Le choix de tes collaborateurs... ?

SANS-FEU : Oui, à mon entière discrétion ! Et j’ai pensé à toi.

PETOU : Dis-moi que je ne rêve pas.

SANS-FEU : Pas du tout ! J’ai compris qu’il y a des gens qui pensent comme nous. Restons en contact.

PETOU : C’est le temps de prendre notre revanche sur la mauvaise presse... 

SANS-FEU : Et sur les femmes !

PETOU : Collègue, il faut être sérieux à présent que tu vas être promu à de hautes fonctions. Tu ne changeras donc jamais. (Il sort.)

SANS-FEU : Vous savez, « L’homme est fait pour le plaisir bien qu’il se contente le plus souvent de la joie. » Mon plaisir, à moi, c’est la femme. Bon, c’est sans-feu quoi ! (Il sort.)

SCÈNE 3

(C’est le début de l’après-midi, entre Djiguiya.)

DJIGUIYA : Poser des questions et s’en poser à soi-même, remuer des idées et les défendre, contester, protester, dire « non » quand le « oui » n’est pas possible. Telle est la mission de l’intellectuel. Mais ici, on s’accroche à une idée, à son idée. Ah ! Ils vont revenir. Sur le même sujet, leur sujet de prédilection, la presse, toujours la presse, rien que la presse. D’ailleurs, peut-il en être autrement ? Cloîtré qu’on est ici, à Bèfô-Palace, entre ce Kiosque à journaux, cette cabine téléphonique et cette Radio libre ? Ici, on s’enferme volontairement, alors que les papiers, les câbles et les antennes ont aboli les frontières et le temps. Paradoxe quand tu nous tiens !

TENIN : (Entre Tenin pendant que Djiguiya termine son monologue. Elle sort le tabouret, s’assoit devant la cabine). Le monde est vraiment difficile à comprendre. Et on ne connaît jamais assez un homme. Vous vous imaginez, une tresseuse si cultivée ! Ses propos sonnent encore à mes oreilles. S’il est vrai qu’on est en démocratie, la presse doit traiter équitablement tous les sujets, sans distinction et sans préférence. Sur ce point, Mada n’a pas tort et elle a même raison de s’ériger contre notre presse. Celle-ci ne parle de la misère silencieuse que par calcul. Soit elle cherche les faveurs d’une O.N.G, parrainant l’article ou le reportage ; soit elle cherche un financement auprès d’une institution internationale... (Puis s’adressant à Djiguiya.) Ah ! J’oubliais, Djiguiya, on a encore tué un journaliste.

DJIGUIYA : Ooh ! Je m’en doutais.

TENIN : Tu en sais donc quelque chose ?

DJIGUIYA : il a été battu ce matin ici, ici même à Bèfo-Palace. (Entre Mada)

MADA : Bonjour mon amie. J’ai appris le décès d’un journaliste. Mais tranquillise-toi, ce n’est pas SANS-FEU.

TENIN : Ça ne peut même pas être lui. Il s’agit d’un journaliste en fonction. SANS-FEU n’est qu’un chômeur. (Puis elle ajoute) Ah, mon amie, je ne savais pas que tu étais si cultivée. Tu as vraiment souffert.

MADA : Chacun a ses petits problèmes. Qui n’a pas ses petits malheurs, ses petits secrets ?

TENIN : Hum ! Hum ! Tu as raison. On n'est jamais seul, sauf devant la mort. Sais-tu que je suis dans la même situation que toi ? Cela fait deux ans que je ne sais pas où se cache le père de mon enfant.

MADA : Ah bon, tu as un enfant ?

TENIN : (Sans répondre, elle poursuit) Quand je vois ce salaud de SANS-FEU, je pense à John, le père de mon enfant. Ils ont les mêmes manières, tous bien habillés, tous beaux parleurs. SANS-FEU m’appelle ma Douce non ? Eh bien, cet inconscient de John m’appelait ma Fraîche.

MADA : (Elle sourit finement.) Et c’est pour ça que tu fais souffrir SANS- FEU ? Pourtant, mon amie, je ne te dis pas d’accepter ses avances. Mais je te conseille de réfléchir à ses propositions. Il est journaliste de formation et il suffit qu’il ait un financement pour que sa Maison de Presse soit lancée. C’est sans feu quoi ! (Entre rapidement SANS-FEU)

SANS-FEU : Ténin, tu as bien dit le nom « SANS-FEU » ? Non ? C’est sans feu quoi !
(Ténin court rapidement pour rejoindre sa cabine.) Mais Mada, qu’est-ce que ma Douce veut ? Qu’est-ce que je dois faire ?

MADA : Il faut aller téléphoner ? (Elle détourne les yeux).

SANS-FEU : Un prétexte pour l’approcher ? Alors que j’ai mon cellulaire ? Jamais ! Bon, c’est sans feu quoi ! (Puis il sort. Mada vient vers la cabine, tape à la porte et dit à Ténin)

MADA : SANS-FEU est parti. Tu peux sortir avec le poste radio. C’est bientôt l’heure de l'émission radio : INFOS 7.

TENIN : Le gros poste est avec Kotigui qui a même tardé aujourd'hui.

KOTIGUI : Je suis là. J'ai voulu me reposer un peu et j'ai dormi. (Pendant qu’il parle, il sort le poste radio et le met en marche. Générique de l’émission. Pendant que Mada et Tenin écoutent, entrent les partisans de Diati

LA VOIX DE DIATI A LA RADIO : (Annonce, salutation entrecoupée de musique. Kary et Sadio dansent)

LES PARTISANS DE DIATI : 
Bonjour ici. Bonjour tout le monde !

KOTIGUI, TENIN, MADA: Comment ça va. Et votre journée ?

KARY : Eh ! La revue de presse a déjà commencé ?

TENIN : Vous n’avez rien raté, c’est dans quelques instants. (Entrent Petou et son groupe.)

ADAM : (Va éteindre le poste) Comment est-ce qu’on peut toujours écouter les mêmes histoires. Laissez-nous souffler ouais !
 
SADIO : Mais, pour qui te prends-tu ? Si tu ne veux pas t’informer, fiche-nous la paix. (Il remet le poste en marche)

TENIN : Je crois également, qu’on doit respecter la liberté des autres. Celui qui ne veut pas écouter l’émission, qu’il s’en aille.

PETOU : Ténin, tu exagères. (Il va éteindre le poste à nouveau.) Nous aussi, nous avons le droit de ne rien écouter et de rester, si ça nous chante. Nous ne sommes pas obligés d’écouter les histoires... je dirai même les légendes de ce petit animateur.

(Réaction des partisans de Diati١

TENIN : Maintenant tu as lâché le morceau. C’est donc une querelle de personne. Il ne faut pas généraliser pour autant.

TALATA : Rien que de la jalousie. Diati est le meilleur animateur. Il est sans pareil. Y a pas "dé". Non, sa Voix quoi ! Ah إ

PETOU : Je ne te permets pas de m’insulter

SIBIRI : (Ecartant Petou) Nooon ! Pétou. Laisse-le-moi ! Comment peut-on te comparer à Diati ? Toi tu es un professionnel de la communication. Or, les Diati ne sont que des journalistes DCI   (Entre SANS-FEU)

SANS-FEU : Alors ma Douce... (Il lui passe le bras autour du cou.)

TENIN : (Surprise et agacée.) Wa ala den ! Comment oses-tu te permettre cela ?    Salaud !  (Rire général.)

SANS-FEU : Ne te mets pas en colère pour si peu ! Hein ! ma Douce (Voulant l’approcher.) Non, ta mise d’aujourd’hui se passe de tous commentaires !

TENIN : Ne me touches pas ! Je ne veux pas te voir. Tu comprends ça. Combien de fois vais-je te le dire.
(Petou, Mada et Kary entraînent SANS-FEU vers la sortie)

SANS-FEU : Eh ! Les amis, vous me chassez ?

KARY : Tant que tu es là, nous n’écouterons pas notre émission

SANS-FEU : Bon, c’est sans feu quoi. (Il sort.) Kotigui remet le poste en marche

PETOU : Ah ! Kotigui, pour tout le respect qu’on te doit, tu peux te le permettre. Mais de grâce, n’augmente pas le volume.

KOTIGUI : Du calme Pétou. J’espère que tu ne feras pas encore de scandale. Ce n’est pas tous les jours qu’on s’informe. C’est la revue de la presse qui comble ce déficit d’information, surtout que c’est en langue Nationale.

PETOU : C’est en langue Nationale. Mais ce n’est pas présenté par un professionnel.

KOTIGUI : Soit !

L’EMISSION (Enregistrement sonore.) Bonsoir ! Emission Star ! Star ! (Echo) Animateur vedette (Echo). Diati (Echo) dans INFO.7 (Echo).
Deux titres dans vos parutions de la semaine : démocratie et bonne gouvernance. Festival Multimédia.
A propos de démocratie : Pour DIBARA, journal pro-gouvernemental, notre Démocratie est exemplaire, sans nuage. Le journal DIAMANKAN, appuyant DIBARA, cite les progrès réalisés dans les domaines de l’éducation, de la santé et de la gestion de l'Etat... (Musique et réactions de l’auditoire.)

KONIBA : Pr r r ! Alors que la corruption bat son plein, on parle de bonne gestion ? Et vous appelez ça des journaux ?

TALATA : Et pourquoi pas ? Et toi aussi, tu les condamnes parce qu’ils n’ont pas dit ce que tu veux ?

SADIO : Non Talata ! Ignore-le ! (L’émission continue.)

« ...Pour LE TRANCHANT, journal d’opposition, notre démocratie serait une écurie de chevaux blancs et les Jockeys, des anciens voleurs masqués...

(Réactions.) ...Quant au journal LE TETU, notre démocratie ne serait qu’anarchie, car nos gouvernants sont à la solde de l’Occident pour piller nos richesses. Et pour ça, conclut le confrère, ils se maintiennent au pourvoir par des élections truquées... (Musique, réactions.)

KONIBA : Voilà ! C’est ça, la vérité !

KARY : Alors là ! tu n’as rien compris. On a dit : « ... Notre Démocratie ne SERAIT qu’anarchie... » C’est au Con – di – tion - nel.

PETOU : Ce n’est qu’un parti pris de Diati, mon cher. J’ai le journal ici, il n’y a pas trace de conditionnel. Lis si tu veux. (Pétou tend le journal à Kary qui le repousse.). Tu vois, tu vois ! Il n'aime pas la vérité ! (Musique.)

(Suite de l’émission) ... Nos confères ont couvert l’événement de l’année. Il s’agit du Festival Multimédia qui a réuni toute la presse de la sous-région et d’ailleurs, en début de semaine, au Palais du Tourbillon. Ils ont tous fait l’éloge de la presse sans laquelle, il n’y a ni démocratie ni développement. Ils ont surtout loué la contribution inestimable de la presse dans l’éclosion de l’espace démocratique... (Réaction.)

SIBIRI : Foutaises ! (Gestes de désapprobation ; l’émission continue).
...La presse est au début et à la fin de toute entreprise démocratique. (Musique, puis Sibiri reprend.)

SIBIRI : Dites-moi, est-ce qu’on veut minimiser l’apport des autres dans la naissance de la démocratie ? Et nous autres, on n’a rien fait ? Et nous les enseignants ?

ADAM : Et nous les femmes ?

KONIBA : Et nous les ouvriers ?

PETOU : Et les chômeurs ! Et les déflatés ? Moi je vous dis : La presse telle que vous  la concevez et telle que vous la louez ainsi, finira par être victime de la suffisance, point de départ de l’inefficacité.

TENIN : En vérité, le grin regorge d’esprits savants autoproclamés. De grâce, laissez-nous suivre le reste. (Musique, puis l’émission continue.)

«... L’Hebdo du jeudi, FALISEN, a mis le pied dans le plat de la presse en taxant les hommes de presse d’être des hommes de mains qui ne défendent que des intérêts égoïstes et sordides. Le journal appelle tous les confrères à l’observation stricte des règles de la déontologie du métier pour éviter les procès inutiles. Cette mauvaise image de la presse s’expliquerait par le manque de qualification des 70% de ceux qui travaillent dans la presse... »

PETOU : C’est ça que je disais ! Voilà que la presse elle-même reconnaît qu’elle n’est pas bonne. En tous cas, dans son état actuel.

SADIO : Non, toi aussi ! Il ne s’agit là que d’une autocritique. Ça, c’est normal. C’est d’ailleurs signe de progrès. (Musique, et l’émission se poursuit.)

…………Un fait divers avant de nous séparer : SACRIFICE HUMAIN ? Titre le journal SUBAABERE. Dans sa parution d’aujourd’hui, le confrère annonce une découverte macabre : La police a découvert le corps d’un adolescent, amputé de ses parties génitales. Il ajoute, notre confère, que la carte d’identité d’un grand homme politique était sur les lieux du crime. Comme quoi, tous les moyens sont bons pour se faire élire ? Affaire à suivre. C’est tout pour INFOS 7.......
Une information de dernière minute : La presse est en deuil, un confrère du journal LE TRANCHANT vient de succomber, suite à des coups et blessures. Il avait été battu, ce matin, par des inconnus. Toute la presse, à travers la Radio Founoufounou condamne ce crime odieux. Nous nous inclinons devant la mémoire du défunt.
Merci d’être restés en notre compagnie 
et à la semaine prochaine. Et grand  
Merci à nos fidèles auditeurs de 
Bèfô-Palace et à tout à l’heure. 
(Musique, réactions.)

TENIN : Ah ! Diati ! Il a osé passer l’histoire du sacrifice humain sur les antennes ?

PETOU : Est-ce que tu avais peur que ça soit diffusé ? Pour cela, il fallait que le coupable paye gros. De toutes les façons, moi je pense que c’est le début d’une querelle de clans entre partis ou au sein d’un même parti.

SADIO : Eh ! Pétou, tu veux contester la véracité de cette information aussi ? Une carte d’identité trouvée sur les lieux ?

PETOU : Il est facile d’établir une carte d’identité au nom de quelqu’un.

SADIO : Ça va. Diati sera là bientôt. La Radio est tout près. (En montrant l’antenne qu’on voit... Au même moment Diati se présente.)

TALATA : Mon type, tes nouvelles étaient intéressantes. Tes analyses pertinentes. Ta voix ! Ah ! ta voix ! Quelle chaleur !

DIATI : Merci, merci, merci.

PETOU : Kotigui, moi je m’en vais. Je pensais qu’on venait ici pour s’informer. Mais c’est dommage. Des griots d’un autre genre ont investi Bèfo-Palace pour flatter je ne sais quel mérite de piètres animateurs de radio. Je m’en vais.

DIATI : Ah ! A moi piètre animateur ? Si jamais tu répètes ça, tu vas me voir. (Il bondit vers Petou : mouvement dans chaque camp ; arrive Djiguiya en courant.)

DJIGUIYA : Arrêtez ! Arrêtez ! Vous n’avez pas honte de vous battre en public ? Non, je ne voudrais pas finir ma journée comme je l’ai commencée. C’est ici que le journaliste dont Diati vient d’annoncer la mort a été battu ...

LES AUTRES: (Ensemble.) Jusqu’ici ?

JIGIYA : Oui, ici même à Bèfô-Palace.

LES AUTRES : (Réactions diverses)

DJIGUIYA : De quoi parle-t-on ici ? De presse vendue, au service d’un individu, de presse violente ou souvent violentée par des barons politiques... Mada l’a dit ce matin : « Vous ne parlez que de la presse, toujours la presse. » Mais la presse est en deuil ! et vous vous en foutez. Vous restez accrochés aux petites personnes : Diati, Pétou... Non ! Ne nous rabattez plus les oreilles ; l’essor de la presse ne vous intéresse point.

DIATI : Ah ! Non, Djiguiya, j’ai pris la responsabilité de condamner cet acte dans mon émission...

DJIGUIYA : Mais en arrivant ici., tu n'avais rien d’un homme endeuillé. Tu as même joué à la vedette devant tes admirateurs...

ADAM : Voilà la différence entre le professionnel et l'amateur. Pétou ne ferait jamais une chose pareille ! Ignorer la mort d’un collègue !...

SADIO : En tous cas, pour nous, la presse c’est Diati.

ADAM : Sans Pétou ? Alors ma chère, que Dieu ait pitié de la presse. 

DJIGUIYA : Ça y est. Chacune s’aligne derrière sa vedette. Quoi d’étonnant alors, qu’à un niveau supérieur, la presse soit entre les mains des puissances d’argent ?

MADA : Que peut-on attendre d’un journaliste qui aliène sa conscience et qui obscurcit l’opinion au lieu de l’éclairer ? Que peut-on attendre d’une presse alignée ?

SADIO : Ah ! Non, on ne va pas me condamner parce que je suis alignée derrière la Radio ou le journal de mon choix.

DJIGUIYA : L’alignement aveugle, voilà qui est mauvais. Les journaux sont des systèmes privés de ceux qui possèdent plus. S’aligner derrière ces journaux, c’est servir ces systèmes privés sans le savoir. C’est pour ça qu’un lecteur aligné est plus dangereux qu’un journal aligné. Ce lecteur, privé de lumière, est emmuré dans une chambre noire. Ce lecteur, c’est toi. (Il lui fait porter la toge noire ; Adam jubile. Djiguiya la regarde, secoue la tête, puis il continue.) Il ne faut surtout pas t’en défaire pour porter une autre, celle d’un autre clan.

ADAM : Lequel ?

DJIGUIYA : (A Adam.) Il y a ceux qui voient tout en rouge, ceux qui affectionnent les propos incendiaires, les appels à la sédition, au génocide, ceux qui souhaitent voir derrière chaque bruit corporatiste un typhon apocalyptique. Cette ligne rouge, sur laquelle s’est affichée une certaine presse, ne mène qu’au désordre. Elle fait couler aux peuples et souvent aux journalistes eux-mêmes, leur sang. Pour toi et pour tous ceux qui soutiennent une telle presse, voici votre manteau. (Il lui met la toge rouge.)

TENIN : Ni toi, Diaati, ni toi, Petou ne représentez la presse dans sa totalité.

DJIGUIYA : (Regardant le Kiosque.). Il s’agit, tout en restant différents, de s’accepter, de se tolérer. Ne pas voir au-delà de sa tendance, c’est être dans un carcan. Vous avez pourtant, devant vous, et pour nous tous, le symbole à la fois muet et vivant de la tolérance. Combien de journaux de combien de tendances sont-ils là, dans ce Kiosque, empilés les uns sur les autres ? Ce Kiosque là, c’est une oasis où tous les lecteurs, tels des caravaniers, viennent étancher leur soif d’information.

KOTIGUI : Parfaitement d’accord avec toi !

DJIGUIYA : A l’image de ce kiosque, les lecteurs se doivent de trouver un espace commun où chacun peut entendre l’autre. C’est pour cette raison que le kiosque mérite l’étendard blanc de la paix et la pureté. (Il se dirige vers l'écriteau qu'il couvre d’une bande de tissus blancs. On entend la voix du muezzin. Sortie de tous.)
              
SCENE 4

(Entre SANS-FEU.)

SANS-FEU : Eh ! Donc il n’y a personne ici ? Ma Douce est partie ? Bon, c’est sans feu ! J’ai mon cellulaire (Il sort l’appareil.) Allô ! Ma Douce est arrivée à la maison...? Eh ! ressortie ?.. Merci bien.... Où peut-elle aller à cette heure ?... En tous cas, P.D.G d’un d'un grand Centre Moderne de Communication, je vais désormais faire craquer ma Douce ! Je vais la sortir de cette cabine pour en faire ma Secrétaire particulière. (Au même moment entre Diablo. SANS-FEU s’étonne.) Eh ! Diablo, vous travaillez aussi la nuit ?

DIABLO : Moi, c’est mon lieu de travail. Et toi, qu’est-ce que tu cherches ici ?

SANS-FEU : J’attends quelqu’un.

DIABLO : Qui ?

SANS-FEU : Ah non, ce n’est pas ton affaire.

DIABLO : Moi aussi j’ai un rendez-vous important, mais ça ne te regarde pas. (Entre Ténin. Elle se dirige vers Diablo qui la prend à la taille. Tous deux sortent.)

SANS-FEU : (il les regarde partir, puis tombe. Il se relève.) Bon, c’est sans feu quoi ! (Il sort.)

FIN

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